Généalogie BARBIER de la COULDRE

Jean-Félix Faulcon montra de bonne heure un goût très prononcé pour la profession de sa famille. Après avoir fait son apprentissage dans l'atelier paternel, il alla à Paris pour se perfectionner dans son art, travailla dans l’imprimerie de Guérin, qui était, associé avec son gendre Delatour, puis de là passa à la librairie de Gabriel Martin, très connu pour sa science des livres et surtout pour son système de bibliographie qui a été suivi jusqu'à l'adoption de celui de J.CH BruneL

Lorsqu'il revint à Poitiers au bout de quelques années, Jean II, son père, lui abandonna a peu près la direction de son établissement, puis lui en fit cession quelque temps avant de mourir. Jean-Felix fut, ainsi conduit à habiter, comme ses prédécesseurs, la maison de la place de Notre-Dame. Voulant donner de l'extension à ses opérations, il ne tarda pas à y réunir deux maisons voisines, dont l'une était. L’ancien hôtel de la famille Claveurier. C'est là qu'il donne son adresse sur ses livres, « place et vis-a-vis Notre-Dame-Ia-Grande (cf https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4tel_Claveurier)

Un an après la mort de son père, Jean-Félix fut reçu imprimeur surnuméraire par arrêt du Conseil du Roi, du 29 octobre 1746. On trouve cependant dès 1739 son nom joint à celui de son père, avec la qualification de libraire-imprimeur c'est sur le titre de la première édition du Traité de l’orthographe française, que nous avons citée plus haut.

La charge d'imprimeur ordinaire lui fut disputée par Michel-Vincent Chevrier, mais m'emporta sur son concurrent, d'autant plus que, comme on l'a vu, la veuve de Jean Faulcon n'avait donné sa démission qu'en sa faveur.
L'arrêt qui lui donna gain de cause est du 25 novembre 1776. L'enquête nui eut lieu au sujet de cette affaire apprend que le matériel de son imprimerie consistait alors en six presses, quatre fontes de notes sur différents cours, une fonte italienne, une financière, une de civilité, une de petit parangon, une de trismégiste, trois de gros romain, trois de Saint-Augustin, trois de Cicéro, trois de petit romain, une de gaillarde et une de nonpareille, en vignettes, filets, lettres de deux points de tonte façon et de très belles gravures. L'état de la librairie, dressé en J764 sur les ordres de M. de Sartine, disait déjà que Jean-Félix, qui n'avait encore que quatre presses,
occupait douze compagnons, nombre qui dut être bien dépassé par la suite, qu'il possédait tous les caractères de l'imprimerie la plus considérable, qu'on lui faisait actuellement à Paris dos caractères et des notes de plain-chant, qu'il avait la clientèle de I ‘Evêché, du Clergé, de l'Hôtel-de-Ville, de l'Université et d'une partie des Fermes, qu'il jouissait, de la meilleure réputation ainsi que son frère, et que tous les deux étaient très riches.

Le 12 août 1776, Jean-Félix avait obtenu un arrêt du Conseil privé qui lui attribuait la charge d'imprimeur du Roi, et le 7 juillet suivant, il payait la somme de 81 livres, pour le droit de marc-d'or de son office, et 32 livres 8 sous pour les VIII sols pour livre dudit droit, auxquels frais il fallait encore ajouter ceux de prestation de serment, et d'enregistrement au Parlement de Paris, au greffe de l'Hotel-de-ville, de l'Élection et du présidial de Poitiers.
On voit que les faveurs du pouvoir n'étaient pas absolument gratuites. Le 12 octobre de la même année, M. le duc de Chartres, gouverneur du Poitou, délivrait à Jean- Félix Faulcon le brevet de son imprimeur à Poitiers, et le 8 décembre 1778, M. le comte d'Artois, apaganiste de la province, lui accordait à son tour le titre de son imprimeur en cette ville. Entre temps il avait conçu le dessein de se faire recevoir avocat au Parlement de Paris. Il était dans sa 64eme année quand il prêta serment en celle qualité le 3 mai 1777. II cherchait ainsi probablement a mériter davantage les faveurs qu'il convoitait. D'un autre côté, ses concitoyens ne lui ménageaient pas les marques de leur estime il fut l'un des 75b bourgeois de l'Hôtel-de-ville, l'un des administrateurs de l’hôpital général, souvent syndic de la Chambre de la librairie et plusieurs fois juge chef de la juridiction consulaire.

Jean-Félix Faulcon est certainement le plus distingue parmi les imprimeurs dont nous avons à nous occuper au cours de cet ouvrage. Passionné pour son art, il produisit beaucoup et s'attacha toujours à bien faire. Ses éditions sont aussi remarquables par la correction que par l’élégance ; aussi étaient-elles recherchées et elles s'écoutaient rapidement. Il était en relation avec des personnages marquants, des hommes de lettres, des artistes, dont la protection et les conseils ne lui furent pas sans utilité.
Son commerce était considérable et dépassait de beaucoup les limites du Poitou. Tous les ans il faisait des voyages soit a Paris, soit en province, pour se tenir au courant des propres de l'imprimerie et se procurer de nouveaux correspondants. On a déjà vu que l'outillage de son atelier était des plus complets. Sur la fin de sa vie, en 1782, cédant peut-être à un sentiment d'amour-propre bien justifie, il publia le recueil des Gravures qui servaient à son imprimerie et étaient dues à des artistes de talent tels que Huault, Lesueur, Caron, etc. Cet album contenait près de cinq cents vignettes, et peu de ses confrères, même de Paris, auraient pu montrer une collection aussi nombreuse. La plupart de ces pièces étaient gravées sur bois quelques-unes, en très petit nombre, étaient gravées sur cuivre et montées sur bois; quelques autres étaient polytypées, c'est-à-dire contées en matrices de caractères d'imprimerie et également montées sur bois.

La plus importante des opérations entreprises par Jean-Félix est sans contredit l'impression de la nouvelle liturgie qui fut donnée au diocèse de Poitiers par Mgr Beaupoil de Saiut-Aulaire. Les principaux volumes furent mis sous la presse de 1675 à 1770 et se succédèrent sans interruption. Ils sont exécutés avec une rare perfection et ne laissent rien a désirer ni comme papier, ni comme caractères, ni pour la correction du texte ; le Missel, le Graduel, le Psautier sont, à notre avis, de véritables chefs-d'œuvre. Jean-Félix faisait revivre les belles traditions des anciens maîtres.

Ce travail colossal lui fil beaucoup d'honneur et excita l'intérêt des personnes compétentes. Des imprimeurs comme M. Firmin Didot père, des évêques virent a Poitiers pour juger eux-mêmes de la nouvelle liturgie et des livres qui la monumentaient. En 1777, l'évoque de Sarlat l'adopta pour son diocèse et fit usage des livres imprimés pour le diocèse de Poitiers ; on substitua seulement un
autre titre et un autre Mandement, et pour certains ouvrages on imprima le Propre spécial. Plus Lard, François Barbier, rendre et successeur de Jean-Félix, allait traiter avec le diocèse de Saintes quand survint la Révolution qui bouleversa l'Église de France. Mgr de la Laurencie évêque que de Nantes, avait déjà introduit notre liturgie dans sa cathédrale et allait vraisemblablement l'adopter pour tout son diocèse quand les mêmes événements l'arrêtèrent.
Cette vaste entreprise n'était pas sans exiger de grands frais. La moitié des fonds fut fournie par la chambre syndicale du Clergé, et l’autre moitié par l'imprimeur. Les bénéfices devaient être partages dans la même proportion.
La vente marcha d'abord lentement et ce ne fut, que vers 1780 qu'elle commença à répondre aux espérances des intéresses, mais il s'en fallait encore de 12.000 francs que les débourses fassent couverts quand éclata la Révolution et alors tout fut. Irrémédiablement perdu. Les exemplaires en feuilles avaient été déposas dans un des bâtiments dépendant du couvent de la Visitation, que Faulcon avait loué à cet effet (1). Ramel de Nogaret, ministre des Finances (1796-1799), décida d'abord que ces ouvrages seraient en totalité mis au pilon ; cependant, sur les observations des Administrateurs du département, il les autorisa à en faire le partage avec les héritiers Faulcon, tout en recommandant de prendre des mesures pour qu'il ne pût se trouver un seul volume complet. Quant à la part qui revenait au Clergé, elle fui vendue au poids et à vil prix au profit de la Nation ; elle représentait 18.036 livres pesant de papier.

L'œuvre de Jean-Félix est considérable. Les ouvrages religieux y occupent la plus large part; on y trouve aussi un certain nombre de livres classiques et d'ouvrages de droit, mais la littérature et l'histoire y sont maigrement représentées. Au XVIII siècle, le vide s'était Fait dans les provinces au profit de Paris. De 1773 à 1781inclusivement il imprima cependant les Affiches du Poitou, recueil estimable fondé et dirigé par Jonyneau-Desloges. Il avait déjà tenté de publier une Gazette, in-4 de 4 pages, qui ne semble pas avoir en beaucoup de succès, car elle serait demeurée inconnue, sans quelques numéros, datés de 1744 et 1745, qui ont échappé à la destruction. Après la mort de son père, il continua aussi la publication de l'Almanach du Poitou. Il faisait paraitre de temps à autre des catalogues des livres qu'il imprimait ou qu'il avait dans sa librairie ; nous en avons rencontré plusieurs, dont l'un donne des défaits fort intéressants sur la marche de l'impression de ses livres liturgiques au 1" février 1770.
(1) Bail reçu par Duchastenier, notaire, le 12 janvier 1776

Jean-Félix Faulcon avait épouse le 3 avril t742 Jeanne Barbier, fille d'Aimé, marchand, capitaine majeur de la ville de Civray, et de Marie Dupont. De ce mariage naquirent plusieurs enfants dont nous citerons seulement les suivants :

Marie-Jeanne, née le 1~ juillet 1744, qui épousa le 16 février 1768 Charles-Hilaire Prieur-Chauveau, conseiller du Roi et son procureur en la maîtrise des Eaux et Forêts de Poitiers;
Radégonde-Marguerite, née le 30 septembre 1749, mariée le 10 mars 1778 à son cousin germain, François Barbier, avocat,(ils d'Aimé, garde étalon du Roi, et d'Elisabeth Moineau, qui devint le successeur de son beau-père ;
Marie-Anne, née le 5 avril 1752, religieuse au monastère de la Visitation de Poitiers, morte le 3 octobre 1720; Marie-Félix, né le 14 août, 1758.

Notre imprimeur destinait son fils à continuer ses affaires, mais, à son grand regret, celui-ci préféra suivre une autre carrière, qui d'ailleurs ne fut pas sans gloire. Il se sentait attiré par l'étude du droit et il acquit une charge de conseiller au présidial de Poitiers. Puis les circonstances firent de lui un homme politique. Choisi d'abord par ses concitoyens comme député suppléant aux États-généraux, il devint membre de l'Assemblée constituante et se retira du mouvement, pendant la Terreur. Il fut ensuite appelé au conseil des Cinq-Cents, fit partie presque sans Interruption des différentes assemblées jusqu'en 1815 et fut appelé à la présidence de la Chambre des Députés, il rentra, alors dans la vie privée et mourut sans postérité à Poitiers le 31 janvier 1843. Il avait publié beaucoup d'écrits et il laissait de nombreux manuscrits. Il avait aussi réuni à sa propriété François-Aimé Barbier, imprimeur ; il se plaisait a employer comme ex-libris sur ses livres une des vignettes de l’imprimerie paternelle, le faucon couronné que nous reproduisons plus loin sous le n° Xi. Avec lui s'éteignit la famille des Faulcon.

D6çu dans ses espérances du côté de son fils, Jean-Félix Faulcon adjoignit à ses travaux François Barbier, son gendre, avec promesse de future succession. A partir de t779, il m. suivre sur la plupart de ses impressions son nom de celui de François Barbier, en indiquant que ce dernier n'était que libraire. Cette situation dura jusqu'à sa mort, qui arriva le 3 octobre i782 (2). On trouve même encore en 1783 son nom r6uni à celui de son gendre sur un Calendrier et un Catéchisme qui avaient, sans doute été mis en train avant son décès.

La mort de Jean-Felix Faulcon fit passer l'imprimerie entre les mains de sa veuve, et on voit, tout, d'abord quelques- pièces mises au jour soit sous son nom seul, soit, avec l'adjonction du nom de son gendre, mais elle s'empressa de démissionner en faveur de celui-ci, et le 9 août !787, elle rejoignait son époux dans la tombe.
(f) Son père, Jean Felix, avait acheté le domaine de la fenêtre de la dame de Monjon, suivant acte passé devant lomdé, notaire à Poitiers, le 14 mars 1765.
(2) IL fut inhumé comme ses ancêtres dans le cloitre de Notre-Dame-La-Grande.
Source : L’imprimerie et la librairie à Poitiers. Bulletins et mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest. Janv 1904